Madame de Maintenon devint Reine de France. Pourtant, initialement, son avenir ne semblait pas du tout prometteur.
Car elle naquit en prison d'un père assassin, puis elle dut mendier sur les quais de la Rochelle, et ceci à l'âge de 12 ans. Et pourtant , elle est bien devenue Reine de France !


Françoise d'Aubigné naquit à la prison de Niort en 1635.
Son père, Constant d'Aubigné, fils du célèbre poète Agrippa d'Aubigné, y avait été incarcéré (ainsi que sa seconde épouse Jeanne de Cardilhac) pour dettes, mais aussi et surtout pour avoir assassiné sa première épouse et son amant


Mais 6 mois plus tard, Constant d'aubigné fut libéré après 16 ans de captivité. Il emmena Jeanne et Françoise dans l'ile de Marie-Galante, dont il prétendait étrangement avoir réussi à se faire nommer gouverneur !
De là il gagne la Martinique, très peu peuplée à l'époque, vague repaire de boucaniers, où il ne fera pas fortune et où la jeune Françoise connaîtra la pauvreté
En 1645, Constant d'Aubigné rentre en métropole sans sa famille et 2 ans plus tard, en 1647 donc, à l'âge de 12 ans, Françoise rentre à son tour avec sa mère , et apprend la mort de ce père qui les avait abandonnées.
Avec elle, elle vit alors misérablement dans un taudis de la Rochelle
C'est là qu'elle sera réduite à mendier pour assurer la subsistance familiale, et connaitra la faim, le froid et le désespoir d'une triste vie vouée au malheur
Mais elle aura la chance d'être prise en charge par une tante, Madame de Villette, qui l'avait déjà élevée durant ses 6 premiers mois, puis par sa marraine, Madame de Neuillant, fervente catholique, qui la place au couvent des Ursulines à Paris
C'est là qu'elle connaîtra l'affection et la douceur d'une religieuse, soeur Celeste, qui va jouer un rôle déterminant dans sa vie, en l'orientant définitivement vers la foi catholique C'est cette foi catholique qui lui permettra de suivre Madame de Neuillant dans les salons parisiens, condition indispensable pour y accéder , et c'est là qu'elle va rencontrer le chevalier de Méré, qui lui aussi se prend d'affection pour elle, lui octroie le surnom de "belle Indienne" et décide de s'occuper de son éducation.


En 1652, alors âgée de 17 ans, orpheline toujours dénuée de fortune mais riche de sa beauté, elle rencontre dans un salon le poète burlesque Paul Scarron, son aîné de 25 ans, lourdement handicapé et en partie paralysé, qu'elle épouse.
Le salon de cet épicurien, déjà fréquenté par de puissants aristocrates et artistes, voit sa notoriété augmenter grâce aux talents d'animatrice de Françoise d'Aubigné ; les plus grands noms de l'époque se pressent à ses portes : le maréchal d'Albret, Françoise de Montespan, Madame de Sévigné, Madame de La Fayette, Ninon de Lenclos etc
En 1660, l'infirme Paul Scarron meurt. Françoise d'Aubigné est alors riche d'argent et aussi des relations qu'elle a su tisser. Même la reine Marie-Thérèse d'Autriche la prise en sympathie, et elle lui fait octroyer une pension.


C'est alors que se manifeste le second événement décisif de sa vie : Madame de Montespan, dame d'honneur de la belle-soeur du Roi Louis XIV , qui appréciait son sérieux et sa discrétion, lui propose de devenir la gouvernante des enfants bâtards du roi.
En fait ses propres enfants, puisqu'elle était elle-même la maîtresse du Roi
Naturellement, Françoise d'Aubigné accepte, ce qui l'oblige cependant à mettre fin à la relation qu'elle entretenait avec Louis de Mornay, marquis de Villarceaux, qui était incomptaible avec ces nouvelles fonctions.
Dès lors, Françoise d'Aubigné se consacrera à donner d'elle une image de femme pieuse et dévôte, qu'elle est bien devenue en réalité, même si elle a développé depuis longtemps une certaine propension naturelle à endosser cet état

Pour pouvoir s'acquitter consciencieusement et avec discrétion de ses nouvelles fonctions de gouvernante des enfants illégitimes du Roi, Françoise d'Aubigné s'établit à proximité de la capitale , au village de Vaugirard
C'est là qu'elle rencontrera Louis XIV, qui vient régulièrement rendre visite aux enfants qu'il a eus avec Madame de Montespan. Celui-ci va constater l'affection sincère qu'elle porte à ses enfants, qu'elle élève, et il va en être ému. Il sera notamment touché lorsqu'à la mort de l'aîné il observera le chagrin réel qu'éprouve la gouvernante.
La même scène se reproduira d'ailleurs quelques années plus tard, en 1672, quand une fille mourra à son tour
Un lien étroit va alors se nouer entre Françoise d'Aubigné et le Roi, sensible à ses qualités humaines. Mais Madame de Montespan s'en rendra compte, ce qui suscitera en elle un certain sentiment de jalousie.
Elle pressent que la gouvernantte prend de plus en plus d'importance aux yeux du Roi et pourrait devenir une rivale.

Françoise d'Aubigné renonce alors définitivement à réapparaître à la cour, mais Louis XIV reconnaissant la gratifie de cadeaux somptueux. C'est notamment avec le fruit de ses dons qu'elle va acquérir en 1674 le superbe château de Maintenon, ainsi que le titre qui y est associé

Etrangement, par une étonnante coïncidence, ce château avait appartenu à Charles-François d'Angennes, ancien gouverneur de Marie Galante - le titre précis qu'avait convoité sans succès Constant d'Aubigné -
Ce même marquis d'Angennes avait d'ailleurs eu l'occasion d'exercer les fonctions de chef de flibustiers , avant de se mettre au service du Roi pour combattre ces mêmes flibustiers après 2 ans de cette sinistre activité. Puis il s'était établi en Martinique, au village même où Françoise d'Aubigné avait vécu pauvrement, pour y devenir lui-même le plus riche planteur de l'ile !

C'est en 1675 que tout s'accéléra, lorsque la gouvernante emmena le duc du Maine, fils aîné restant de Louis XIV, à Barèges pour le faire soigner par une cure thermale. Le Roi, définitivement séduit par le dévouement de la gouvernante, va inévitablement se rapprocher de plus en plus d'elle.
D'autant plus qu'à cette époque, la disgrâce de Madame de Montespan, compromise dans l'affaire des poisons, puis la mort de Madame de Fontanges, nouvelle favorite, suivie de celle de la Reine elle-même, vont sceller le destin de la marquise de Maintenon qui désormais libérée de tout problème de conscience , n'a plus de raison de résister aux avances du souverain qui ne cache plus son amour naissant
Ceci se traduit par un mariage secret, célébré en toute intimité en octobre 1683, jamais publié , et donc qualifié de "morganatique"
La Cour ne sera cependant pas longtemps dupe. A tel point que certaines langues mal intentionnées n'hésiteront pas à utiliser le qualificatif de "Madame de Maintenant" pour désigner la nouvelle Reine n'en ayant pas obtenu en réalité le titre ni le sacrement officiellement .


Louis XIV eut 6 enfants de la Reine Marie-Thérèse d'Autriche:



  • Louis de France (mort à l'âge de 49 ans, 4 ans avant son père)
  • Anne-Elisabeth de France (a vécu 1 mois)
  • Marie-Anne de France (a vécu 40 jours)
  • Marie-Thérèse de France (a vécu 5 ans)
  • Philippe-Charles de France (a vécu 3 ans)
  • Louis-François de France (a vécu 5 mois)
  Lui-même mourut en 1715, 4 ans avant Madame de Maintenon
Il eut eut 7 enfants naturels de Madame de Montespan :

  • Françoise-Marie de Bourbon (a vécu 71 ans)
  • Louis-Cesar de Bourbon (a vécu 11 ans)
  • Louise-Marie-Anne (a vécu 7 ans)
  • Louis-Auguste de Bourbon (a vécu 66 ans)
  • Louis-Antoine de Pardailhan (a vécu 71 ans)
  • Louis-Alexandre de Bourbon(a vécu 59 ans)
  • Louise-Françoise de Bourbon (a vécu 70 ans)

Il n'est pas prouvé que tous les maux dont on a accablé Mme De Maintenon aient été justifiés.
Notamment, l'accusation d'avoir été à l'origine de la Révocation de l'Edit de Nantes en 1685 qui provoqua l'exode des Protestants, protégés par cet Edit qui leur assurait la liberté de culte .

De fait, terrorisés par la crainte d'une nouvelle Saint-Barthelemy, ils fuirent en masse
Cetta accusation se basait simplement sur le fait qu'elle était née calviniste de par son ascendance familiale

L'appréciation selon laquelle elle aurait imposé un rigide esprit d'austérité et de dévotion à la Cour semble plus justifié
Cependant, l'idée selon laquelle elle aurait calmé les ardeurs guerrières du Roi doit être nuancée. D'une part, le Roi vieillissait et se rendait compte naturellement des désastres que ses guerres permanentes avaient causé au peuple et au royaume.

Mais surtout le déclenchement de la terrible et coûteuse guerre de succession d'Espagne, en 1701, va à l'encontre de cette thèse

Parmi les gens qui n'aimaient pas Mme de Maintenon figurait en premier lieu la Princesse Palatine. En 1719, celle-ci, s'adressant à sa tante Sophie de Hanovre, se réjouit en ces termes de la mort de celle qu'elle détestait :

La vieille Maintenon est crevée ! C'eùt été un grand bonheur si cela avait pu arriver il y a quelques 30 ans !