Des filles à marier pour les soldats de Napoleon....


Pour récompenser ses soldats, Napoleon, à l'occasion de son remariage avec Marie-Louise d'Autriche, eut une étrange idée :
Trouver dans le pays des filles à marier pour 6000 de ses anciens soldats !
Il publia le 25 mars 1810 le décret suivant :
Six mille militaires en retraite, ayant fait au moins une campagne, seront mariés le 22 avril prochain avec des filles de leurs communes, auxquelles il sera accordé une dot de douze cent francs pour Paris, de six cent francs dans le reste de l'Empire.
Les militaires et les filles à marier seront choisis de la manière suivante :

Pour la ville de Paris, par délibération du Conseil général faisant fonction de de conseil municipal, approuvée par le Préfet
Pour les villes chefs-lieux de département, par délibération du Conseil Municipal, approuvée par le Préfet.
L'épouse sera choisie dans une liste de filles non mariées, préférablement, mais non nécessairement, d'ancienne noblesse, orphelines ou jouissant d'une rente de plus de 50000 francs et , surtout, jouissant de la meilleure réputation.

Ainsi fut lancée dans le pays une campagne de mariages, qui dura bien au-delà du 22 avril 1810 et s'étala sur plusieurs mois.

C'est ainsi que

Le 18 avril 1810 se réunirent dans la salle des audiences du village de Saorge , sous la présidence du Juge de Paix Guiglia, une commission composée de :
M. Dahon, adjoint au Maire
M. Cacchiardi, Maire du village de Breil
M. Dominique Ciais, curé de la paroisse
L'adjoint au Maire de Saorge ayant constaté qu'il n' y avait aucun militaire à marier dans sa commune, on se rangea à la proposition du Maire de Breil qui en avait un chez lui : Ange Ghirardi

Extrait du procès-verbal :

La commission ayant observé que le sieur Ghirardi étant près de la soixantaine, une jeune fille ne pouvait lui faire espérer la félicité que l'homme doit trouver dans le mariage, il serait donc préférable qu'il s'unisse à une personne d'âge proportionné au sien.
La commission a estimé qu'il n' y en a dans le canton aucune qui pût mieux lui convenir que dame Thérèse Carenco, fille à feu Joseph Rostagni et veuve de Pierre Badino, de la commune de Breil, qui jouit de la meilleure réputation.

La proposition fut transmise comme il se doit au Préfet, qui était alors le célèbre Dubouchage.
Le 29 avril, un juge informa les futurs époux du choix qui avait été fait de leurs personnes.
Il leur signala toutefois que l'état de veuvage de la future mariée n'ayant pas été prévu par le décret impérial, la dot promise par le dit décret ne lui serait pas forcément versée.
Les époux choisis n'en donnèrent pas moins leur accord.

C'est ainsi que

Le 17 mai, le Préfet Dubouchage, informé de l'acceptation des époux, autorisa que le mariage ait lieu le 28 mai
Avec la plus grande solennité possible : jeux, illuminations, distributions de comestibles et toutes démonstrations adaptées aux circonstances locales et aux moyens de la commune.

Le 1er juin, le juge rend compte au Préfet du déroulement de la cérémonie :

J'ai eu l'honneur d'assister à la célébration et aux fêtes pompeuses qui ont suivi.
Je suis enchanté du zèle et de l'activité que le Monsieur le Maire de Breil a déployés pour donner le plus grand éclat possible à une cérémonie qui est le gage du tendre amour paternel que voue à ses fidèles sujets l'Auguste Monarque.
Je n'ai pas assez d'expression pour vous démontrer combien l'harmonie qui règne entre Monsieur le Maire et les personnes les plus respectables du pays a contribué à rendre la fête touchante et brillante.

Le 4 septembre, le Maire fit savoir qu'il a finalement remis aux époux Ghirardi les 600 francs de dot prévus, en précisant :

J'ai été obligé de me faire délivrer quittance par acte notarié attendu que ni l'un ni l'autre ne savent écrire.

Et c'est ainsi qu'en 1810 les époux Ghirardi se sont mariés....pour le meilleur....et pour l'Empire !

Le célèbre Marc Gratet du Bouchage, dit Dubouchage, réputé pour ses brillantes actions en tant que Préfet, et pas seulement dans la gestion des mariages impériaux.