Quousque tandem, Catilina ...?



Il fut un temps, lors de la glorieuse époque de la République, où rares étaient les lycéens qui pouvaient échapper à la fameuse version de la Première Catillinaire de l'orateur Ciceron.

L'ambitieux Cesar, par sombre calcul politicien, désireux de briser l'opposition sénatoriale, n' avait pas hésité à s'allier avec Crassus pour favoriser secrètement la conjuration de Catilina.
Catilina était alors l'un des hommes les plus connus et les plus vicieux de Rome ; il avait été l'un des massacreurs de Sylla ; on l'accusait de nombreux meurtres et d'avoir odieusement pillé la province d'Afrique.


L'historien Salluste a tracé de lui un portrait célèbre :

Lucius Catilina, issu d'une famille noble, était d'une grande vigueur d'âme et de corps, mais d'un naturel méchant et dépravé. Dès sa jeunesse, les guerres intestines, les meurtres, les rapines, la discorde civile, eurent pour lui des charmes...
Robuste de corps, il supportait la faim, les veilles, le froid, avec une incroyable facilité ; au moral il était audacieux, rusé, plein de souplesse, habile à tout feindre comme à tout dissimuler, avide du bien d'autrui, prodigue du sien, ardent dans ses passions....
Rien d'excessif, rien d'incroyable, rien d'inaccessible, où ne tendit constamment cette âme insatiable.
Depuis la domination de Sylla, il était possédé du plus violent désir de s'emparer du pouvoir suprême ; et quant aux moyens d'y parvenir, pourvu qu'il se fit souverain, il n'avait point de scrupules...
Au sein d'une cité populeuse et corrompue, Catilina, comme il n'était que trop facile, avait groupé autour de lui, comme autant de satellites, tous les hommes perdus de débauches et de crimes.

Décidé à s'emparer du pouvoir, au besoin par un coup de force, Catilina groupa autour de lui tous les mécontents, tous les aventuriers, toute la masse des misérables qui espéraient un grand bouleversemnt social : il apparut comme le chef d'un vaste parti révolutionnaire. Aussi quand il brigua le Consulat, en l'année - 64, tous les modérés, tous les conservateurs, tous ceux qui voulaient défendre leurs biens et le régime établi, se coalisèrent pour opposer Ciceron à Catilina : L'orateur Marcus Tullius Cicero s'était en effet rapproché des classes riches ; il voulait fonder un parti modéré de sénateurs et de chevaliers et on le considérait maintenant comme le meilleur défenseur de l'ordre et de la loi.
Ciceron fut élu.
L'année suivante, après un nouvel échec aux élections, Catilina décida de recourir à la force : tandis que des émissaires étaient chargés de lever des troupes en Italie, lui-même à Rome, avec ses partisans, projetait d'assassiner Ciceron, alors consul, et d'incendier la ville.
Averti secrètement, Ciceron fit proclamer par le Sénat la patrie en danger et reçut plein pouvoirs. Le 8 novembre - 63, sachant que la veille les conjurés avaient arrêté les derniers détails de l'insurrection, il réunit le Sénat et, se tournant vers Catilina qui avait eu l'audace de venir à la séance , il lui lança cette véhémente apostrophe :

Jusques à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ?...
Où s'arrêteront les emportements de cette audace effrénée ? Ni la garde qui veille la nuit sur le Mont Palatin, ni les postes répandus dans la ville, ni l'effroi du peuple, ni le concours de tous les bons citoyens, ni le choix, pour la réunion du Sénat, de ce lieu le plus sûr de tous, ni les regards ni le visage de ceux qui t'entourent, rien ne te déconcerte....
O temps ! O moeurs ! Le Sénat connait tous ces complots, le consul les voit ; et Catilina vit encore. Il vit ? que dis-je ? Il vient au Sénat !...Son oeil choisit et désigne tous ceux d'entre nous qu'il veut immoler....

C'est ainsi que commençait la plaidoirie de Ciceron, connue sous le nom de Première Catillinaire

Décontenancé, Catilina s'enfuit en Etrurie, mais en laissant des complices à Rome.
Ciceron n'avait encore aucune preuve qui lui permit de les faire arrêter. Une imprudence de leur part lui en fournit une :
Ils confièrent une lettre à des députés gaulois venus alors à Rome et ceux-ci les trahirent. Ciceron réunit le Sénat le 3 décembre - 63, fit comparaître devant lui cinq des principaux conjurés, leur montra la lettre. Ils avouèrent, furent condamnés à mort, malgré l'intervention de Cesar, et étranglés.
Quant à Catilina, qui avait réuni une armée en Etrurie, il fut battu et tué lors d'une sanglante bataille (janvier - 62).


Ciceron put dès lors jurer qu'il avait sauvé la République.






Ciceron